dimanche 13 avril 2008

Récompenses pour Jan Baetens et Nicole Verschoore

Je voudrais vous parler aujourd'hui de deux auteurs flamands qui ont choisi d'écrire en français et qui ont reçu dernièrement une récompense littéraire : le prix triennal de poésie pour Jan Baetens et le prix Auguste Michot pour Nicole Verschoore.

Née à Gand en 1939, Nicole Verschoore est docteur en philosophie et lettres. Au cours de sa carrière de journaliste, elle a travaillé pour le quotidien "Het Laatste Nieuws", "Le Nouveau Courrier" et "La Revue Générale". Son premier roman, "Le maître du bourg", est publié en 1994. En mars dernier, elle a reçu le Prix Auguste Michot 2007 pour sa trilogie romanesque "La passion et les hommes", composée de "Les parchemins de la tour", "Le mont Blandin" et "La charrette de Lapsceure" (vous pouvez trouver sur ce blog une critique de ce dernier livre). Voici un extrait de l'argumentaire du jury de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique :

"Nicole Verschoore s'assume parfaitement comme l'une des dernières, sinon la dernière personnalité littéraire francophone de Flandre. En ce sens, elle incarne elle-même le souci qui a conduit Auguste Michot à créer son prix. Son travail de journaliste va dans le sens du maintien d'une information en langue française en Flandre et d'une meilleure connaissance de l'actualité flamande dans la partie francophone du pays. En tant que romancière, elle oeuvre dans le même esprit. Ce qui apparaît clairement dans sa trilogie parue aux éditions du Cri, où elle retrace l'évolution de la Belgique, essentiellement vue de Flandre, depuis l'indépendance belge. Cette fresque brasse une très grande connaissance de son sujet, que Nicole Verschoore, en romancière et nouvelliste qu'elle est, transpose dans une perspective fictionnelle qui nous permet de nous plonger affectivement dans une époque révolue, mais riche en éclairages sur la situation et les problèmes de la Belgique actuelle. L'auteur savait-elle d'ailleurs, lorsqu'elle entama cet édifice romanesque, que son entreprise tomberait tellement à point nommé?".

De son côté, Jan Baetens a reçu le prix triennal de poésie 2008 (d'une valeur de 8.000 euros) décerné par la communauté française pour son recueil "Cent fois sur le métier" paru en 2004 aux Impressions Nouvelles. Il rejoint, entre autres, Marcel Thiry, Maurice Carême et Liliane Wouters au palmarès de ce prix existant depuis 1925. Né en 1957, Jan Baetens est professeur à la Katholieke Universiteit van Leuven et l'auteur de plusieurs ouvrages d'analyse et de critique littéraires. Il explique son choix d'écrire en français dans la revue "Le Carnet et les Instants" :

"Aujourd'hui, les poètes flamands d'expression française sont plus rares encore que les 29 février, et je ne pense pas être le seul à le regretter. Non pas par nostalgie, en songeant à tous ces auteurs flamands qui ont enrichi le patrimoine des lettres belges, mais à cause du présent et surtout de l'avenir. Je crois en effet qu'une littérature gagne à s'ouvrir à celles et ceux qui la choisissent librement par conviction, par désir, par amour. C'est exactement mon cas. Tout le monde sait que je n'écris pas en français par atavisme, par tradition familiale, par souci de distinction, mais par une nécessité intérieure. Le choix du français est un choix voulu, pleinement assumé, que j'ai toujours défendu contre l'incompréhension et les moqueries de certains proches (du reste, presque personne en Flandre ne sait que j'écris). C'est le défi que pose le choix d'une langue étrangère qui m'a permis de trouver ma voix et ce sont les exemples de la littérature française et belge qui m'aident à me faire étranger à moi-même, condition sine qua non, selon moi, de toute parole véritablement littéraire. Ecrire n'est pas une manière de s'exprimer, mais une façon de "partager le sensible", pour citer Jacques Rancière, c'est-à-dire une façon de proposer aux lecteurs de nouvelles façons de voir le monde, et le mot important est ici monde, non le mot moi".

1 commentaire:

Edmée De Xhavée a dit…

Je comprends bien la démarche de Jan Baetens, car pour moi, ce serait l'italien. Je ne le maîtrise pas assez pour me lancer dans l'écriture en italien, mais c'est ma seconde langue, j'y suis à l'aise, et souvent même plus à l'aise qu'en français pour transcrire certaines émotions...